PME Revolution: Une seule option pour les entreprises technologiques

Traduction (rapide) d’un long essais de Michael O Church sur le management dans les entreprises informatiques.

Cela intéresse aussi votre entreprise, maintenant que chaque entreprise est une entreprise de logiciel.

Entreprises des TIC : l’allocation ouverte est votre seule vraie option

J’ai [NDT : Michael O Church] écris il y a environ un mois sur la politique de Valve corp. autorisant les employés à changer d’équipe librement dans l’entreprise, symbolisée par des roues sous leurs bureaux (créant de fait un marqueur physique de leur culture d’entreprise supérieure qui fait ressembler à des jouets les gratifications habituelles des entreprises TIC) et attendant des employés qu’ils s’auto-organisent. J’ai choisi d’appeler cette notion apparemment radicale « allocation ouverte »-les employés sont libres de travailler sur les projets qu’il choisissent, sans demander la permission ou une allocation formelle- et je suis convaincu que, bien que semblant radicale, l’allocation ouverte est la seule chose qui marche réellement dans le logiciel. Il y a une exception. Une certaine dose d’allocation fermée est sûrement nécessaire dans l’industrie de la finance à cause des barrières à l’information (imposées par le régulateur) et c’est peut être pour cela que garder les meilleurs dans la finance coûte aussi cher. Cela coûte très cher de garder des bons dans une entreprise ou l’allocation ouverte n’est pas la norme, et ou le process de travail est si explicitement dirigé et contraint par le « P&L » et par une aversion au risque justifiée. Si vous pouvez vous permettre de donner aux ingénieurs 20 à 40% d’augmentation chaque année et ainsi tenir la compétition avec les hedge funds qui font du trading haute fréquence, vous êtes peut être capable de garder les talents sous un régime d’allocation fermée. Sinon, lisez la suite.

L’allocation fermée ne marche pas

Qu’est ce que j’entend par « ne marche pas » ? J’entend que, en l’état actuel des choses dans l’industrie du logiciel, la plupart des projets échouent. Soit il ne délivrent aucune valeur business, soit il en crée trop peu, ou ils créent un peu de valeur mais génèrent des coûts à long terme en devenant des vampires hérités. La plupart des gens n’aiment pas le projet qu’on leur a assigné et y investissent un effort de productivité minimal ou même négatif. Le bon code est excessivement rare, non parce que les ingénieurs sont incompétents, mais parce-que lorsqu’ils sont micro-managés, ils arrêtent de faire attention. Allocation fermée et micro-management fournissent une excuse pour l’échec : « J’étais sur un projet merdique sans aspect positif. J’étais condamné à échouer. » L’allocation ouverte explose cet argument : une personne qui a un faible impact parce qu’elle travaille sur un mauvais projet fait de mauvais choix et n’a qu’elle même à blâmer.

L’allocation fermée est la norme dans le logiciel, et ça n’implique pas forcément le micro-management, mais ça crée la possibilité du micro-management, du fait de l’extrême avantage que cela donne aux managers sur les ingénieurs.

Dans un atelier en allocation fermé, l’importance des projets est déterminée de prime abord par les dirigeants bien avant que la première ligne de code ne soit écrite, et formalisée en nombre magiques appelés « nombre de têtes » [NDT. headcount = effectif (fixés)] (même le mot est médiéval, alors je me demande si les gens pissent sur la table dans ces réunions pour montrer leur rang) qui représentent la capacité à embaucher (lisez : puissance politique) de diverses factions internes.

L’intention des effectifs fixés est supposément de prévenir l’embauche démesurée par l’entreprise au niveau global, et c’est un objectif important, mais l’effet réel est de rendre la mobilité interne difficile, parce-que la plupart des équipes vont plutôt garder leurs effectifs fixés pour une éventuelle « embauche de rêve » qui postulerait depuis l’extérieur dans le futur, plutôt que de risquer d’intégrer un ingénieur avec historique de performance moyenne (ce qu’on la plupart des ingénieurs). Les conneries d’effectifs alloués rendent les transferts quasi impossibles à moins que (a) quelqu’un vous apprécie personnellement ou (b) vous avez une historique de performance dans le 90ème centile (et alors vous n’avez pas besoin de transfert).

Les politiques d’embauche à l’échelle de l’entreprise (limites et parfois gels) sont nécessaire pour éviter que la compagnie ne sur-embauche, mais les effectifs internes fixés sont une des pires idées jamais inventées. Si les gens veulent bouger, et les leaders des projets les considèrent comme qualifiés, il n’y a pas de raison de l’empêcher.  Il est bon pour les ingénieurs comme pour les projets d’avoir plus de personnes motivées qui travaillent dessus.

Lorsque l’allocation ouverte est en jeu, les projets se concurrencent pour avoir des ingénieurs, le résultat est de meilleurs projets. Quand l’allocation fermée est en force, les ingénieurs se battent pour les projets, et le résultat est de moins bons ingénieurs.

Quand vous managez les gens comme des enfants, c’est ce qu’ils deviennent.

Le management traditionnel du 20è siècle (appelé « Théorie X ») est basé sur le principe que les gens sont feignants et ont besoin d’être intimidés pour travailler dur, et qu’ils n’ont pas d’éthique et doivent être terrifiés par les conséquences de voler l’entreprise, avec une définition pour « voler » qui inclut « braconner » des clients et talents, se former sur le temps de travail, et placer ses objectifs de carrière au dessus des objectifs de l’entreprise. Avec cette mentalité, la seule façon décente d’obtenir quelque chose d’un travailleur est de l’effrayer en menaçant de lui retirer son revenu – soudainement et sans sommation. Le micro-management et la Théorie X sont ce que j’appelle le Syndrome Aztèque : la croyance dans de nombreuses entreprises que sans se conformer en continu au sacrifice et à la souffrance, le soleil cessera de se lever.

Les psychologues ont passé des décennies à essayer de répondre à la question, « pourquoi le travail [ça] craint ? » La réponse peut-être surprenante. Les gens ne sont pas feignants, et aiment travailler. La plupart des gens n’ont rien contre l’activité de travail, mais n’aiment pas le contexte de subordination (et l’allocation fermée est au coeur de la subordination). Par exemple, la bonne humeur des personnes mesurée minute par minute tend à chuter précipitamment lorsqu’ils arrivent au bureau, et augmente quand ils le quittent, mais remonte quand il commencent vraiment à travailler. Ils sont plus heureux de ne pas être au bureau, mais s’ils sont dans un bureau, ils sont plus heureux en travaillant qu’en glandant. (C’est pourquoi « tirer au flanc » au travail est une si mauvaise idée ;  ça ne résout pas le stress du bureau et rallonge la journée.) Les gens aiment le travail. Ça fait partie de ce que nous sommes. Ce qu’ils n’aiment pas, ce qui les énerve, c’est le contexte de subordination et  l’intimidation qui s’y enracine culturellement.

L’allocation fermée n’est qu’intimidation : si tu n’as pas ce projet, tu n’as pas de travail. Les politiques d’effectifs serrés [par projet] et les périodes de verrouillage rendent la mobilité interne extraordinairement difficile– plus difficile que de se faire embaucher dans une autre entreprise. Le problème est que l’intimidation ne produit pas de créativité et érode le sens de l’éthique des personnes (quand les gens sont sous la contrainte, ils se sentent moins responsables de ce qu’ils font). Cela crée également de mauvaises motivations : l’objectif devient éviter de se faire virer, plutôt que produire un excellent travail.

Par ailleurs, si la seule façon qu’a une entreprise de motiver les personnes à faire un projet est de menacer de leur couper leur revenu, cette entreprise devrait vraiment se demander si ces projets méritent d’être simplement menés.

L’allocation ouverte n’est pas la même chose que “20% de temps”, et ce n’est pas non plus “chacun pour soi”.

L’allocation ouverte ne veut pas dire « chacun va faire ce qu’il veut ». Une meilleure façon de le représenter est : « mène, suit, ou écarte toi du chemin » (et « écarte toi du chemin » signifie « quitte l’entreprise »). Pour mener [lead],vous devez démontrer que votre produit apporte de la valeur à l’activité, et convaincre suffisamment de vos collègues de joindre votre projet de sorte à ce qu’il ait suffisamment d’effort derrière lui pour être un succès. Si votre projet n’est pas intéressant et n’a pas de valeur pour l’entreprise, vous ne serez pas capable de convaincre vos collègues de parier leurs carrières dessus et le projet ne se lancera pas.

Cela demande de forte capacité relationnelle et de la créativité. Vos collègues, et non le « management », décident, votent avec leurs pieds, si vous êtes un leader. Si vous n’êtes pas capable de mener, alors vous suivez, jusqu’à avoir les compétences et la crédibilité de mener votre propre projet. Il ne doit pas y avoir de honte à suivre ; c’est ce que la plupart des personnes auront à faire, particulièrement au démarrage.

« 20% de temps » (ou hack days) devraient exister aussi, mais ce n’est pas de ça que je parle. Sous un régime d’allocation ouverte, on attend toujours des gens qu’ils démontrent qu’ils ont servi les besoins de l’entreprise durant leur « 80% de temps ». Les standards de productivité sont toujours définis par le projet, mais les employés choisissent quels projets (et définissent les standards) ils veulent mettre en oeuvre. Les employés incapables d’atteindre les standards d’un projet doivent en trouver un autre. 20% de temps est plus ouvert, parce-qu’il implique la permission d’échouer. Si vous voulez faire un petit projet avec un impact potentiel élevé, ou prouver que vous avez la capacité à mener en démarrant un projet « start’up », faire du bénévolat, prendre des cours ou assister à des conférences sur le temps de travail, voilà à quoi ça sert. Pendant leur 80%, les gens sont toujours sensés mener ou suivre un projet avec un certain degré de sanction. Il ne peuvent pas « faire ce qu’ils veulent ».

Quatre types de projets

La question évidente que soulève l’allocation ouverte est, « Qui fait le sale boulot ? » La réponse est simple : les gens le font si ils vont être promus, formellement ou informellement, pour le faire, ou si leur propre projet repose directement dessus. En d’autre termes, le travail important mais désagréable est réalisé, par des gens qui se portent volontaires pour le faire. Je veux mettre l’accent sur « est réalisé ». Sous régime d’allocation fermée, beaucoup de choses désagréables ne sont jamais vraiment bien réalisées, particulièrement si les projets non-sexy ne mènent pas à des promotions, parce que les personnes investissent l’essentiel de leur énergie dans la recherche de moyens pour décrocher de meilleurs projets. Les cafards sont glissés sous le tapis, et les gens planifient leur stratégie d’excuses des mois à l’avance.

Si nous classifions les projets en quatre catégories important vs non-important, et intéressant vs déplaisant, nous pouvons déduire ce qui arrive sous un régime d’allocation ouverte. Les projets intéressants et importants ne sont jamais difficile à allouer. Les projets Non-importants mais intéressants sont pour le 20% de temps ; ils peuvent réussir et devenir important plus tard, mais ne sont pas vus comme critiques tant qu’ils n’ont pas démontré une vraie valeur business, donc les personnes sont autorisées à travailler dessus mais sont fortement encouragés à également trouver et se concentrer sur des travaux importants pour le business.

Les projets importants mais déplaisants sont récompensés avec des bonus, promotions, et une crédibilité renforcée accordée à ceux qui font le travail désagréable mais critique. Ces bonus doivent être substantiels (six et occasionnellement jusqu’à 7 chiffres pour des interventions critiques de dépannage sur du « logiciel hérité ») ; si le projet est réellement important, ça vaut le coût de payer. si ce n’est pas le cas, ne dépensez pas l’argent. Les projets non-importants et déplaisants, en allocation ouverte, ne sont pas réalisés. Et c’est comme ça que ça doit se passer. Ce sont ces projets indésirables du genre « marche de la mort » que l’allocation fermée entretient (ils ne s’en vont jamais, parce que suggérer qu’ils ne valent pas la peine d’être réalisées est un affront pour le manager qui les soutiennent et peut mettre fin à votre carrière) mais que l’allocation ouverte élimine  En allocation ouverte, les gens qui s’éloignent de ces marches de la mort ne sont pas de « déserteurs ». C’est la faute du management si, dans une entreprise entière, personne ne veut travailler sur ce projet. Que le projet soit non-important ou qu’il n’offre pas assez d’incitations.

L’allocation fermée est irrémédiablement « politique »

Comparez les deux sens de la phrase en trois mots, « je suis dessus ». Dans un bureau en allocation ouverte, « je suis dessus » est la promesse de réaliser une tâche, ou au moins d’essayer. Ça signifie « j’ai ceci ». Dans un bureau en allocation fermée, « je suis dessus » veux dire « des forces politiques sur lesquels je n’ai pas prise me font travailler sur ce seul projet ».

Les gens se plaignent de la politique dans leurs postes en allocation fermée, mais ils ne devraient pas, car c’est inévitable que la politique éclipse la question de réellement terminer le travail. Ça arrive à chaque fois, comme un mécanisme. Le meta-jeu devient un million de fois plus important que de vraiment tailler les crayons ou écrire le code. Si vous avez de l’allocation fermée, vous avez un gros bordel politique.

Il n’y a pas de solution pour éviter ça. En allocation fermée, les enjeux de l’allocation de projet sont tels que les gens vont calculer chacune de leurs action sur la base de leur future mobilité. En conséquence : la politique. C’est ce qui arrive quand un système à quatre classes émerge, résultant des quatre catégories de travail décrites plus haut. Les ingénieurs les mieux établis, qui ont de l’autonomie et suffisamment de poids pour demander les meilleurs projets, finissent dans la catégorie « intéressant et important ». Ils obtiennent les bons projets à l’ancienne: ils prouvent qu’ils ont de la valeur pour l’entreprise, ensuite menace de partir s’ils ne sont pas assignés au bon projet. Les ingénieurs qui veulent des promotions sur des postes de management tendent à prendre le travail déplaisant mais important, et essayent de coincer les nouveaux employés captifs pour leur refiler le travail de terrain. Les ingénieurs de la classe moyenne supérieur peuvent prendre le travail intéressant non-important, mais cela a tendance à ralentir leur carrière s’ils projettent de rester dans la même entreprise (ils apprennent beaucoup, mais ne construisent pas de crédibilité interne). La majorité et le reste, qui n’a pas d’autorité significative sur le choix de son travail, récupère un mix, mais beaucoup d’entre eux sont coincés avec le travail non-intéressant et non important (et l’allocation fermée en génère des tonnes de ce genre ) qui existe pour des raisons enracinés dans la politique managériale.

Quels sont les problèmes avec l’allocation ouverte ?

La principale difficulté avec l’allocation ouverte est que ça semble plus dur à manager, parce-que ça demande des managers de motiver activement les gens à faire le travail important mais déplaisant. En allocation fermée, les gens doivent faire le travail « parce que j’ai dit de le faire ».

Soit ils le font, soit ils démissionnent, soit ils sont virés. C’est binaire, ce qui semble simple. Il n’y a pas de procédure d’appel quand les personnes ratent des projets ou quand des projets ratent des personnes- et personne ne sait jamais ce qui s’est passé- et la collaboration extra-hiérarchique est « ajustée », et les efforts peuvent être suivis par les personnes qui pensent qu’une simple feuille de calcul peut saisir tout ce qu’il ya d’important à propos de ce qui se passe dans l’entreprise.

Les systèmes en allocation fermé ont une hiérarchie et une chaîne de commandement claire, et des points individuels de défaillance comme s’il en pleuvait (une personne peut être virée de toute l’entreprise pour être en désaccord avec un manager).

Ce sont des économies planifiées de style soviétique qui se retrouvent d’une certaine manière installées dans des entreprises supposément capitalistes, mais elles apparaissent simples à manager, et c’est pourquoi elles sont populaires. Le problème des politiques d’allocation fermées est qu’elles conduisent à d’énormes taux d’échecs des projets, une allocation du temps inefficiente, une hémorragie des talents, et des départs inutiles.

A long terme, tout ce travail et gâchis imprévu rend le travail du manager plus difficile, plus complexe. Quand on considère les problèmes associés avec l’allocation ouverte (tels qu’une plus grande complexité managériale) il est important de considérer que l’alternative est bien pire.

Comment faire ?  

La partie exigeante de l’allocation ouverte, c’est d’inciter les gens à réaliser les projets déplaisants.

Il faut qu’il y ait une récompense. Offrez un bonus trop élevé, et les gens se proposent avec la mauvaise motivation (attraper le bonus démesuré, plutôt que recevoir une récompense méritée pour avoir aidé l’entreprise) et les incitations perverses peuvent même conduire à « l’élevage de rats » (créer un problème en espérant avoir à le réparer en échange d’une prime). Offrez un bonus trop bas, et personne ne voudra réaliser le travail, parceque personne de sage n’aime assez une entreprise pour risquer sa propre carrière sur un projet perdant (et une partie de ce qui fait qu’un mauvais projet est mauvais est que, en l’absence de reconnaissance, c’est mauvais pour la carrière de faire le travail indésirable). Faites une récompense trop monétaire et ça a mauvaise allure sur le bilan, et les ragots sont un risque : les gens vont parler s’ils remarquent qu’un ingénieur de 27 ans a été payé 800 000 $ en stock options même si c’est justifié au regard du dragon hérité qu’il a pourfendu. Proposez un bonus trop centré sur la carrière et vous avez des gens qui reçoivent des promotions qu’ils ne méritent peut-être pas, parceque faire du travail déplaisant ne donne pas forcément à une personne de l’autorité dans tous les domaines. C’est difficile de trouver la bonne carotte. L’appel de l’allocation fermée est que le baton est un outil bien plus simple : fait cette merde ou je te vire.

Le projet doit être « packagé ». Ça ne peut pas être que du travail subalterne et déplaisant, et il doit être structuré pour impliquer les taches de leadership et d’architecture nécessaires pour que la personne qui qui le réalise mérite vraiment la promotion promise. Ce n’est pas « nous allons te promouvoir parceque tu as géré un projet difficile » mais « si tu peux réunir une équipe pour faire ceci, vous aurez tous des gros bonus, et tu auras une promotion pour l’avoir conduite ».

Le management doit aussi avoir en main un regard technique afin de faire ceci : plutôt que de faire du travail fastidieux un coût récurrent, le tuer pour toujours avec l’automatisation.

Une notion important dans tout ceci est celle de projet engagé. Effectivement, c’est ce que les dirigeants doivent créer si ils visent une quantité de travail dont l’entreprise a besoin mais c’est difficile et ne semble pas appréciable du point de vue des ingénieurs. Ces projets ne doivent pas être créés à la légère. Des sommes substantielles et des bonus en actions (acquises sur la durée prévue du projet) et des promotions sont associées à la réalisation du projet, et si plus de 25% de la charge de travail est constituée de projets engagés, quelque chose est fait de travers. Un projet engagé offre une forte visibilité (c’est super important, nous avons besoin de ceci) et une progression dans un rôle de leader. Personne n’est « assigné » à un projet engagé. Les gens font un pas en avant et travaillent d’eux même du fait de la récompense. Si vous acceptez de travailler sur un projet engagé, on attend de vous un effort de bonne foi pour y rester durant une période de temps prédéfinie (typiquement 1 an). Vous le faites quelque soit la difficulté qui se présente (à moins que vous en soyez incapable) parce-que c’est cela le leadership. Vous ne poserez pas de lapin parce-que le projet vous ennuie. Votre réputation est en jeu.

Les entreprises délèguent souvent le travail important mais indésirable de façon dérangeante. Le manager obtient une certaine crédibilité pour avoir pris le projet « moisi », parce-qu’il est  à un niveau où il a une autonomie de base sur son travail et le type de projets qu’il manage. Si il peut motiver une équipe pour accomplir le job, il reçoit beaucoup de crédit pour s’être attaqué aux taches ardues. Les travailleurs, en allocation fermée, n’ont que dalle. Ils ont juste fait leur travail. La conséquence est que beaucoup de cadavres finissent sous le tapis du fait de personnes qui montrent juste assez de présence pour faire bonne figure, mais mettent le gros de leurs efforts pour bouger sur quelque chose de mieux. En général, ce sont des petits nouveaux sans pouvoir qui sont affectés sur ces mauvais projets.

Je propose une approche différente sur les projets engagés. Travailler dessus demande (comme le nom l’indique) de l’engagement. Vous ne pouvez vous défiler parce-que quelque chose de plus agréable se présente. Donc seuls les personnes ayant démontrés leur solidité et fiabilité devraient travailler dessus (moins vrai pour les diriger). Pour travailler sur un d’entre eux (au delà de 20%)  vous devez être dans l’entreprise depuis au moins un an, suffisamment senior pour que le leadership pense que vous êtes capable de réaliser ce projet, et avec une position solide dans l’entreprise. A moins qu’il ne soit embauché dans un rôle senior, je ne laisserais jamais un junior prendre un projet engagé à moins que ce ne soit absolument nécessaire- trop de risques.

Comment virer les personnes ?

Quand j’étais à l’école, j’aimais créer et jouer avec des systèmes de jeu de rôle. Modeler un monde de fantasy est très amusant. Une fois, j’ai développé un système de santé complexe qui différenciait fatigue, blessure, douleur, perte de sang, et « fatigue magique » et agrégeais ces paramètres (déterminant la réduction des attributs et d’éventuelles incapacitations) d’une façon que je considère comme nouvelle.

Un petit détail que je n’avais pas inclus était la mort, donc la première question que j’ai reçue était « comment on meut ? » Bien-sûr, hémorragies et blessures peuvent tuer. Dans un monde non magique médiéval, la perte de la tête est une blessure incapacitante et irréversible, et la perte de tout son sang de même. Cependant, dans un monde hautement magique, la « mort » est réversible. Être rôti, mangé et digéré par un dragon peut être réversible.

Mais il doit y avoir une possibilité (bien que ca ne demande pas une mécanique de jeu dédiée) pour un personnage de mourir définitivement, dans le sens où il faut recréer un nouveau personnage. Autrement, il n’y a pas de notion de risque dans le jeu : c’est juste jeter les dés pour voir à quelle vitesse votre niveau monte. Ma réponse a été de laisser la décision au Game Manager. Dans des jeux d’horreur, des morts sans sens (et mieux encore, follement insensées) font partie de l’environnement. C’est un monde ou tout essaye de vous tuer, et une merde aléatoire peut terminer votre quête. Mais dans les jeux de « haute fantasy »  avec de la magie et des passages narratifs, je suis opposé à ce que les personnages soient « tués par les dés ». Si le personnage est à la fin de son arc narratif, ou s’il fait quelque chose de débile comme mettre sa tête dans la bouche d’un dragon parce-qu’il est niveau 27 et « ne peut être tué », alors il meurt pour de vrai.  Pas de « 0 points de vie », mais la fin de son existence terrestre. Mais il ne doit pas mourir parce-que le joueur est assez malheureux pour jeter 4 « 1  » d’affilée avec un dé à 10 faces. Shit happens.

Le problème majeur avec le « classer-virer » (classement avec taux d’élimination obligatoire) et en particulier l’allocation fermée est que beaucoup de bons employés potentiels sont tués par les dés. Ça devient une part du rythme de l’entreprise pour les bonnes personnes de recevoir des projets inappropriés ou des évaluations déloyales, péter un plomb sur la mailing list ou autre dommage moral quand ils sont excédés, ensuite se faire virer ou démissionner vexé. Bah… Encore un a fait ça cette semaine. Comme je le sous entendais dans mon essais sur Valve, c’est l’Effet Welch : ceux qui sont virés par la politique « classer-virer » sont rarement des sous performers, mais des juniors dans des équipe sous productive à l’échelle macroscopique (et qui ont rarement quelque chose à voir avec cette sous-performance). La seule voie pour imposer l’allocation fermée est de virer les gens qui échouent à s’y conformer, mais cela implique d’éliminer le malchanceux dont le faible impact (pour ceux qui ne sont pas en faute) apparaît comme une incompatibilité malveillante.

Ne vous trompez pas : l’allocation fermée concerne autant virer des gens que les armes concernent tuer des gens. Si les gens ne sont pas virés, la plupart vont travailler sur ce qu’ils veulent de toute façon (ignorants leurs projets principaux) et l’allocation fermée n’a pas de dents. En allocation fermée, virer les gens devient une façon pour l’entreprise de nettoyer ses désordres. « Nous avons bien eu ce gars en le mettant sur le mauvais projet ; débarrassons nous de lui avant qu’il ne détruise le moral de tout le monde ». Les renvois et pseudo renvois (« plans d’amélioration de la performance » et  les allocations sans issue) deviennent suffisamment fréquents qu’il est difficile de les ignorer. Les gens les voient, et voient que ça arriver parfois à de bonnes personnes. Et ça effraie les gens, en particulier parceque le standard dans les entreprises TIC non financières est de virer rapidement (« échouer vite ») et sans indemnité. C’est vraiment un mauvais arrangement.

Est-ce que les entreprises en allocation ouverte doivent virer des gens ? La réponse est un évident « oui », mais ça doit être super rare. La règle générale d’un bon renvoi est : coachez les « soustracteurs » virez les « diviseurs ». Les soustracteurs sont des employés de bonne foi qui ne tirent pas leur poids. Ils essayent mais ne sont pas assez concentrés ou compétents pour produire un travail qui justifie de les garder dans la masse salariale. Pour l’instant. La plupart des employés débutent comme soustracteurs, et le temps nécessaire pour qu’ils deviennent « ajouteurs » [adder] varie.  La plupart des entreprises essayent de fixer des critères sur le temps qu’on laisse à un employé pour devenir un ajouteur (en général 6 mois). Je déconseillerais de fixer une durée ferme car ce qui est important n’est pas à quelle vitesse une personne a appris (elle peut avoir eu un début rocailleux) mais à quelle vitesse, et plus important avec quelle qualité, elle peut apprendre.

Les soustracteurs sont, hormis lors d’une crise de cash aiguë où ils doivent être déposés pour des raisons « business », sans danger. Il contribuent microscopiquement au taux de réalisation, mais ils produisent généralement un peu de travail utile et s’améliorent. Ils seront ajouteurs et multiplieurs bientôt  Les diviseurs sont des gens qui rendent toute l’équipe (et potentiellement toute l’entreprise) moins productive. Les personnes sans éthique sont diviseurs, mais le sont également les personnes dont le travail est de si mauvaise qualité que du désordre est créé pour les autres, et les personnes dont l’ego sur-dimensionné engendre des conflits. Les soustracteurs de longue durée (18 mois et plus) deviennent des diviseurs « passifs » du fait de leur impact moral, et doivent être licenciés pour les même raisons. Les diviseurs écrasent le moral, et ils sont une menace sévère pour la culture de l’entreprise. Peu importe à quel point votre entreprise est riche et avec quelle force vous refusez de virer les gens, vous devez vous débarasser des diviseurs si ils ne s’amendent pas immédiatement. Les diviseurs diffusent leur toxicité jusqu’à ce qu’ils aient abattu une entreprise entière. Licencier peut être difficile parce-que de nombreux diviseurs brillent en tant que contributeurs individuels (« rock stars ») mais ils « reprennent ce qu’ils ont donné » via leur impact sur le moral, il n’y a pas d’autres options.

Ma philosophie du renvoi est que la décision doit être prise rarement, rapidement, pour des raisons objectives, et avec un package de départ suffisant pour couvrir la recherche d’un travail (à moins que la personne n’ait fait quelque chose d’illégal ou formellement non éthique) incluant non-divulgation, non-litige et non-dénigrement. Ce n’est pas une question de « récompenser l’échec ». C’est une question de limiter le risque. Quand vous sortez un « plan d’amélioration de la performance » pour justifier une séparation sans indemnités, vous externalisez seulement le coût sur des personnes qui vont devoir travailler avec un diviseur qui est seulement devenu pire après le plan d’amélioration.

Les entreprises escortent les employés renvoyés hors de l’immeuble, ce qui est une mesure difficile mais limitant le risque; mais il est fou de laissé un employé qui a subi le plan de performance dans les murs pendant deux mois.

De plus, quand vous virez quelqu’un froidement, vous invitez au dénigrement, ragots et poursuites. Payez juste le gars pour s’en aller. C’est la moins chère et la moins aléatoire des options. Trois mois d’indemnité et vous ne reverrez jamais le gars. Bien. Six mois et il parlera de vous et votre entreprise dans les meilleurs termes : il a eu un passage difficile vous avez pris soin de lui, et il est (probablement) plus à l’aise maintenant.  Si vous êtes un peu court sur l’argent, comme la plupart des start’ups, restez plus près de la limite des 3 mois. Vous avez plus besoin de gardez les dépenses basses que de convertir vos employés virés en évangélistes. Si vous êtes vraiment serré, remplacez l’indemnité par un « congé d’office » en maintenant sa paye jusqu’à son prochain travail.

Si vous ne renvoyez pas les diviseurs, vous vous retrouvez avec quelque chose qui ressemble à de l’allocation fermée

Les diviseurs peuvent être des managers (un manager ne peut qu’être multiplieur ou diviseur, et de mon expérience, au moins la moitié son des diviseurs) ou subordonnés, mais les diviseurs tendent à intimider. Les subordonnés diviseurs passifs intimident via la non conformité (ils ne réaliseront rien) tandis que les diviseurs actifs utilisent les agressions personnelles ou le sabotage pour menacer ou excéder les gens (souvent pour aucun profit personnel).

Les diviseurs managériaux (ou proto-managériaux) tendent à menacer les carrières (mauvaise évaluation, ragots, licenciement) pour forcer les gens à placer les objectifs de carrière du manager au dessus des leurs. Ils ne peuvent motiver par le leadership, alors ils le font par l’intimidation et (si disponible) l’autorité, et ils mènent les gens en captivité pour qu’ils réalisent le travail qu’ils veulent, sans payer pour ça sur un marché loyal (çàd fournir une incitation à faire du travail autrement indésirable). À ce point, ce que vous avez est une entreprise en allocation fermée. Ce que cela signifie est que l’allocation ouverte doit être protégée: vous faites ça en virant les menaces.

Si j’avais à diriger une entreprise, je crois que je « virerais » la première année 70% des managers en titre (je veux dire par là que je les retirerais de leur poste de management ; j’autoriserais les mouvements horizontaux en contributeurs individuels pour ceux qui le désireraient). Par « manager en titre », je veux dire quelqu’un avec l’autorité et l’obligation de participer aux résolutions de contentieux, licenciements et promotions, et le montage de projets engagés.

Des opportunités de leadership technique seront accessibles à n’importe qui pouvant convaincre des gens de le suivre, mais pour être manager en titre, vous devez passer une barre plus haute. (Vous devriez être aussi bon que possible, et pour 70 à 80 pourcent des managers que j’ai observé, je ferais du meilleur travail.) Ce taux d’attrition élevé serait compensé par quelques facteurs culturels et bénéfices. Premièrement, « tomber » d’une trajectoire de management ne serait pas stigmatisé car il serait bien compris que la plupart des gens arrêtent volontairement ou qu’on ne leur demandait pas de continuer. Les gens seraient congratulés pour avoir essayé, et ils seraient toujours aussi éligibles pour conduire des projets – s’ils peuvent convaincre des collaborateurs de suivre. Deuxièmement, ceux qui aspireraient spécifiquement au management et n’auraient pas été sélectionnés auraient la possibilité (à moins d’être complètement sortis pour des actions non-éthiques ou dommageables)  d’une période de six mois pour partir durant laquelle ils pourraient continuer à se présenter comme employés de l’entreprise.  Voilà ce que les managers B+ et A- recevraient- le droit de rester comme contributeur individuel (au même niveau et rémunération) et, si ça ne leur convenait pas, une offre d’indemnisation avec une référence forte si ils souhaitaient poursuivre le management dans une autre entreprise- mais pas dans celle ci.

Y-a-t-il des bénéfices à l’allocation fermée ?

Je peux répondre à cette question avec beaucoup de confiance.  Non, pas dans une entreprise technologique type. Aucun n’existe. Le travail que les gens sont « forcés » d’accomplir est de si mauvaise qualité que, tout bien considéré, je dirais que cela ne répond à aucune attente. En travail de « commodité », les gens sous-motivés sont moitié moins productifs que la moyenne, et les meilleurs sont environs deux fois plus productifs. Intimider les tire au flanc en les amenant de 0 à 0.5 a du sens. Dans un travail de col blanc et particulièrement en technologie, ces nombres semblent plus proche de -5 et +20, pas 0.5 et 2.

Vous avez besoin d’allocation fermée (ou au moins contrôlée) des ingénieurs si il y a des informations propriétaires sur votre matériel où le moindre détail superficiel représenterait, si divulgué, une brèche inacceptable : des millions de dollars de perdus, une entreprise sous une menace vitale, la fuite d’information classées. Vous imposez un système au « besoin d’en connaitre » pour tout ce qui est sensible. Cependant, cela requiert le plus souvent de ne pas faire confiance, ou de garder trop de personnes à l’extérieur de certains projets (qui seraient désignés comme projets engagés en allocation ouverte). Cela ne requiert pas de garder des gens coincés sur un travail spécifique. L’allocation fermée totale est seulement nécessaire quand c’est requis par le régulateur (dans certains cas financiers) ou des secrets propriétaire extrêmement sensibles impliqués dans la plupart du travail- et des commentaires sur un algorithme dans le domaine public ne comptent pas (les arbitrages stratégiques si).

Qu’est ce que cela signifie ?

Fondamentalement, ce problème se réduit à une simple règle : traitez les employés en adultes et c’est ce qu’ils seront. Les banques d’investissement et les hedge funds ne peuvent introduire une allocation ouverte complète; donc il font la différence avec des rémunération élevées (souvent à des niveaux adultes sans ambiguïté et du prestige, ce qui permet des promotions horizontales pour ceux qui ne montent pas vite). D’un autre côté, si vous êtes une petite startup avec des cadres trentenaires, vous ne pouvez vous offrir des bonus de banquier, et vous n’avez pas l’option de 400k$ de positions en hedge funds ou private equity que les banques du top offrent, donc l’autonomie des employés (allocation ouverte) est a seule façon de faire pour vous. Si vous voulez que des adultes travaillent pour vous, vous devez offrir une autonomie à un niveau considéré (même dans les start’ups) comme extrême.

Si vous êtes un ingénieur, vous devez garder un oeil sur les entreprises en allocation ouverte, qui vont devenir plus nombreuses comme le modèle Valve le démontre régulièrement (c’est inévitable car l’alternative est ridicule et démontre son échec). Avoir du bon travail améliorera vos compétences et, sur le long terme, votre carrière. Donc travaillez pour des ateliers en allocation ouverte si vous le pouvez. Ou vous pouvez travailler dans des entreprises traditionnelles en allocation fermée et espérer que vous aurez (et continuerez d’avoir) la main sur de bons projets. Cela implique que vous travaillez pour une banque ou un hedge fund, et c’est très bien, mais vous devez attendre d’être rémunéré en cohérence avec la perte d’autonomie. Si vous travaillez pour un ad-exchange en allocation fermée, vous êtes un trader de hedge-fund et méritez d’être payé comme tel.

Si vous êtes un cadre dans les technologies, vous devez sérieusement considérer l’allocation ouverte. Vous devez à vos employés de les traiter en adultes, et vous serez agréablement surpris de découvrir que c’est ce qu’ils deviendront. Vous devez aussi à vos managers de les libérer du travail administratif pourri (batailles d’effectifs, plans d’amélioration de performance et licenciements) que l’allocation fermée génère. Enfin, vous le devez à vous même; traitez-vous comme une entreprise dont la culture vaut la peine d’y prêter attention.